Lorsque Clément et Jonathan Galic ont poussé la porte du Poool (1) en 2015, ils ne savaient pas quel accueil leur serait réservé. « On avait un projet, des références, de l’enthousiasme, mais rien de concret à présenter », se souvient Clément. On était un peu en mode ‘on est deux, on a des PC, et promis, juré, dans 4 ans on aura des satellites.’ Et on nous a suivis ! Je ne suis pas certain qu’on nous aurait pris au sérieux ailleurs. » L’équipe du Poool a eu bien raison de faire confiance aux frères Galic (2) : Unseenlabs est aujourd’hui leader européen de la géolocalisation électromagnétique des navires en mer, déploie 3 satellites, emploie 20 collaborateurs, vient de réussir une levée de fonds de 20M€. Ce financement record dans le secteur du New Space européen va permettre à la société de s’appuyer sur une constellation de 20 à 25 satellites d’ici 2025, d’embaucher massivement (30 personnes en 2021, 60 sous 24 mois) et d’accélérer son déploiement à l’international.
(1)A l’époque Rennes Atalante. Le Poool est la structure issue de la fusion, en 2018, entre la technopole Rennes Atalante et La French Tech Rennes St Malo.
(2) Clément et Jonathan ont créé Unseenlabs avec leur frère Benjamin.
Une technologie innovante
Pour localiser un bateau, on peut analyser les données de navigation transmises par sa balise active embarquée. Encore faut-il qu’il en soit équipé. Et s’il en a une, qu’elle ne soit ni coupée, ni falsifiée… Pirates, pollueurs, trafiquants, pêcheurs industriels illégaux connaissent la musique. Unseenlabs a trouvé la parade en s’appuyant sur les émissions passives émises par les instruments de bord et captées par ses nanosatellites : « tout navire avec de l’électronique à bord devient localisable et identifiable en temps réel », explique Clément.
La suite ? « Les informations sont transmises à nos clients qui peuvent agir pour protéger les aires marines, stopper le narcotrafic, retrouver des dégazeurs, protéger les champs hydroliens… » Un service utilisé par des gouvernements, des compagnies d’assurance, des agences maritimes, « et d’autres acteurs de la mer qui manquent de données fiables pour agir », poursuit le CEO d’Unseenlabs. Surveiller les mers, est-ce donc si important ? « Oui ! La pêche industrielle illégale par exemple, ne met pas seulement en danger les écosystèmes, elle a des répercussions géopolitiques : la surpêche dans le golfe de Guinée prive de ressources les pêcheurs locaux qui se tournent vers la piraterie pour survivre. Avec notre technologie, nous participons à la lutte contre ces dérèglements. »
Un impact écologique
Mettre des satellites en orbite, récupérer et traiter les données transmises a un coût, que les clients de la startup rennaise sont prêts à payer. Intéressées par le service, les ONG bénéficient d’un traitement de faveur : « avec la Marine nationale, elles sont les meilleurs experts de ce qui se passe en mer », estime Clément, « mais elles peuvent difficilement financer nos services. » La solution ? « Nous travaillons en partenariat. On échange tous les jours, on mène ensemble des expérimentations pour protéger les mers. Et ça marche ! Notre travail commun a un impact écologique direct. Les investisseurs qui viennent de nous faire confiance en injectant 20M€ dans notre capital ont compris que finance et écologie n’étaient pas incompatibles. »
Rennes accueille le New Space
Clément et Jonathan sont devenus toulousains pour des raisons professionnelles : l’un travaillait au Centre National d’Études Spatiales (CNES), l’autre pour Airbus. Et puis… « Lorsque nous avons commencé à parler de la technologie que nous pourrions développer, notre frère Benjamin, avocat d’affaires, nous a convaincus de nous lancer », raconte Clément. À Toulouse, en terre spatiale, forcément ? « Eh non ! » sourit le dirigeant. « Nous sommes Bretons et nous avions vraiment envie de rentrer à la maison. A Rennes, on savait que l’on pourrait compter sur d’énormes ressources intellectuelles, sur un vivier d’ingénieurs et d’experts des télécom et de la cyber. Et puis cela avait du sens d’installer une société de surveillance des mers en Bretagne… » Leur région d’origine, et Rennes en particulier, ont ouvert les bras à ces acteurs du New Space, qui investissent dans un secteur jusqu’alors réservé aux agences spatiales.
Incubée au sein de la pépinière Digital Square, Unseenlabs a profité du réseau de Rennes Métropole, reçu le soutien du Pôle Mer Bretagne Atlantique et de la Région Bretagne, entrée au capital de la société. « Pourquoi aller voir ailleurs ? » sourit le CEO. « Il y a à Rennes une vraie dynamique et un écosystème qui nous sont favorables. Et puis avec la LGV et Paris à 1h30, il n’y a aucun intérêt à s’installer dans la capitale. »
Un déploiement à l’international
Unseenlabs est sur orbite depuis 2020, « une année décisive : nous avons démontré que notre technologie marchait, que notre business model était bon, que nos prix étaient adaptés » explique Clément. Convaincus, les partenaires ont répondu présent en investissant 20 M€ en mai dernier. Cette seconde levée de fonds, 3 ans après la première, va permettre à la société d’augmenter la voilure, de changer d’envergure. « L’espace est la chasse gardée de quelques états -USA, Russie, Chine, France… » dit le Rennais. « Personne d’autre ne maîtrise l’activité. En travaillant pour Airbus et l’armée, Jonathan a acquis des compétences qui nous ont permis d’être les premiers à nous déployer commercialement sur le secteur, avec une technologie unique : une géolocalisation avec un seul satellite, quand une triangulation est habituellement nécessaire. » Leader européen, Unseenlabs n’a pour l’instant qu’un concurrent, américain.
- Plus d’infos : unseenlabs.space