Avec 56 000 spectateurs en 2021 (dont 32 000 au Parc Expo), 84 groupes, 13 000 repas servis et un budget de 3,5 millions d’euros, Les Trans Musicales ont chaque année tous les projecteurs braqués sur elles.
Si certaines de leurs actions liées au développement durable sont devenues des classiques en festival – comme l’utilisation de gobelets réutilisables et consignés – d’autres sont invisibles des festivaliers, tel le don des repas non consommés au restaurant des artistes et des équipes.
De quoi inspirer n’importe quelle entreprise ou structure en quête de bonnes pratiques. Car mettre en place une démarche pose de nombreuses questions : par quoi commencer ? Est-ce compliqué ? Est-ce plus coûteux ? L’impact est-il vraiment significatif ?
Une prise de conscience dès les années 2000
Créé en 1979, c’est en 2005 que l’Association Trans Musicales formalise son engagement. « Changer de lieu et passer du centre-ville de Rennes au Parc Expo a été un changement majeur qui nous a amené à repenser notre événement » explique Xavier Paillat. « Les Rennais ne pouvaient pas venir en transport en commun jusqu’au pied du Parc Expo. Nous avons donc dû tout réorganiser : un système de navettes (bus) avec le réseau STAR, penser au barrièrage et aux accès, monter de toutes pièces des loges pour les artistes… Avec tout cela, nous nous sommes rendus compte de l’impact négatif que pouvait avoir le festival en matière de transport, logistique, restauration, déchets, gestion des ressources… »
La directrice de l’époque, c’est Béatrice Macé, également cofondatrice des Trans Musicales. Elle embarque son équipe en 2005 dans la mise en œuvre d’un projet culturel durable et solidaire. « Béatrice a vu dans cette démarche un moyen de réduire notre impact mais aussi une manière différente de manager les équipes et toute l’activité des Trans Musicales, afin que le projet soit le plus vertueux possible. Nous avons tous été formés et dès 2005, nous avons lancé l’Agenda 21* des Trans, un programme d’actions concrètes ». A cette époque, les festivals et les acteurs engagés dans le développement durable sur le territoire breton étaient encore très peu nombreux. Aujourd’hui, une partie d’entre eux forme le Collectif des Festivals.
Trouver une stratégie adaptée à l’activité et aux besoins
L’Agenda 21, destiné aux collectivités, se montre toutefois peu adapté à l’association. Pour cadrer et améliorer la portée des actions menées, l’association choisit alors de se tourner vers la norme ISO 20121 « management responsable des évènements », qui vient tout juste d’être créée : « cette norme nous a semblé plus pertinente. Nous avons donc passé l’audit imposé et été certifiés en 2013. L’Association Trans Musicales a d’ailleurs été le premier acteur culturel français à obtenir cette certification internationale. C’est un engagement très fort, et cela nous a fait énormément progresser, notamment au niveau social » précise Xavier Paillat.
Un volet social qui prend toute sa dimension Hall 5 du Parc Expo, dédié à l’accueil, l’information et la restauration des publics. « On y trouve par exemple le stand géré par Prév’en ville, une association de prévention des risques liés aux milieux festifs. Également Les Catherinettes, qui nous accompagnent depuis 2021 sur la prévention des agressions sexistes. » explique Xavier Paillat. Depuis 2001, dans le cadre des Parcours Trans, l’Association Trans Musicales invite également des personnes accompagnées par des structures jeunesse, sociales, culturelles, médicales ou scolaires du département d’Ille-et-Vilaine à vivre l’expérience du festival.
Et partout, autour des festivaliers : réemploi systématique des matériaux et du mobilier, gobelets consignés, poubelles de tri sélectif, produits bio et/ou locaux, personnes en réinsertion, associations, LEDs basse consommation, eau gratuite… Autant d’actions détaillées sur le site web lestrans.com.
Sensibiliser ses partenaires, avec patience et diplomatie
Depuis des années, Les Trans travaillent également à impliquer tous leurs partenaires dans l’aventure. « Du côté des prestataires,nous nous efforçons de collaborer avec des entreprises locales, impliquées dans une démarche RSE ou conscientes des enjeux écologiques et sociaux. Nous les sensibilisons également : nous essayons par exemple de faire en sorte que les restaurateurs proposent des légumes locaux, de saison, bio si possible, et proposent plus de plats végétariens. Pour les fruits de saison en décembre, c’est plus compliqué par contre ! »
Certaines personnes reprochent parfois à l’association de ne pas imposer sa vision, mais ce n’est pas sa philosophie. « Et tout n’est pas si simple » rappelle Xavier Paillat « nous savons que tous nos partenaires et prestataires ne peuvent pas se plier à ces contraintes, pour différentes raisons, financières notamment. C’est pourquoi nous devons faire preuve de souplesse, tout en donnant l’impulsion, en invitant au changement. Et parfois ce sont nos prestataires qui nous font progresser. C’est par exemple avec Spectaculaires que nous avons commencé dès 2008 à travailler sur les LEDs, qui consomment moins d’énergie que les projecteurs traditionnels. »
Les partenariats des Trans avec certaines entreprises interrogent aussi. « Certains festivaliers pensent qu’ils ne sont pas cohérents avec notre engagement. Mais ils sont au contraire très importants pour nous , car ils contribuent, à leur manière, à nos actions de développement durable. Premièrement, parce que ces partenariats concourent grandement à notre financement et nous aident dans notre choix de proposer des tarifs d’accès aux concerts vraiment bas par rapport aux autres festivals. Deuxièmement, parce que le développement durable, ce n’est pas seulement travailler avec les structures les plus engagées, c’est aussi s’inscrire dans un mouvement collectif de progrès ! »
Être exemplaire tout en étant réaliste, un art délicat
Car chaque année, les Trans misent gros. Sur un budget associatif d’environ 4,5 millions d’environ par an, le festival en représente à lui seul 3,5 millions. « Tout se joue durant quelques jours en décembre, trois semaines avant la clôture comptable de l’association, et pour être à l’équilibre il faut être quasi complet » rappelle Xavier Paillat.
« Il ne faut pas se leurrer, mettre en place une démarche développement durable a un coût et impose des contraintes. Nous sommes bien conscients que toutes les structures ne peuvent pas se permettre d’avoir une personne à quasi temps plein sur ces sujets » estime le référent développement durable. À terme, les retombées sont toutefois bénéfiques. Au-delà des effets positifs espérés pour la planète et les personnes, le système de management responsable apporte également des gains de productivité et d’efficience, par la boucle d’amélioration continue qu’il instaure. Par ailleurs, cet engagement peut contribuer à la motivation des salariés, qui s’identifient à ces valeurs, et l’aider à attirer de nouveaux publics et collaborateurs, ou encore à convaincre des prospects dans le domaine des partenariats et du mécénat.
Depuis 2004, le festival a bien grandi. « Notre emménagement au Parc Expo a correspondu à un agrandissement rapide de la jauge. Entre 2003 et 2004, nous sommes ainsi passés d’une capacité d’accueil maximale de 6 000 à 12 500 festivaliers par soirée, et nous en accueillons encore plus depuis 2014, avec 13 600 personnes par soir. » Avec une telle popularité, Les Trans Musicales auraient pu jouer la facilité. Mais impossible d’aller à l’encontre de ses valeurs fondatrices. « Nous avons la chance d’être un festival de musiques actuelles connu et soutenu par les partenaires publics : la ville de Rennes, Rennes Métropole, le Département d’Ille-et-Vilaine, la Région Bretagne, le ministère de la Culture. Également par des entreprises privées qui nous aident par l’entremise de partenariats et du mécénat, car elles considèrent notre projet comme important pour le territoire et en phase avec leurs valeurs… A ce titre, nous prenons nos responsabilités, et avons un devoir d’exigence. »
Notons que le Festival des Trans Musicales fait partie des « sites » concernés par la labellisation Destination Innovante Durable (DID) reçu le 31 mars 2022 par Rennes Métropole, représentée par Destination Rennes. Une labellisation qui fait suite à un audit passé fin 2021 sur tous les sites concernés (Couvent des Jacobins, Office du tourisme, Festival des Trans Musicales).
- A lire également : Les Trans, un festival engagé dans le développement durable
- Photo de Une : Le stand des Catherinettes © Elodie Le Gall
(*Agenda 21 : plan d’action pour le 21e siècle adopté par 182 chefs d’État lors du sommet de la Terre à Rio de Janeiro en juin 1992. Il décrit les secteurs où le développement durable doit s’appliquer dans le cadre des collectivités territoriales et formule des recommandations dans des domaines variés tels que la pollution, la santé, la gestion des déchets et de l’eau…).