« Dans le cadre de mon travail, je constatais que les sites industriels stockaient des ressources pendant des mois voire des années, après des erreurs de commande, l’arrêt d’une ligne de production…avant de les envoyer à la benne », raconte Arnaud, responsable commercial de Bluemarket. « Après une étude de marché, on s’est rendu compte qu’en France, 35 % de ce matériel industriel inutilisé pourrait être réemployé au lieu d’être jeté. C’est une perte financière conséquente pour les entreprises et une aberration écologique : on enfouit ou on broie du matériel qui n’est pas en fin de vie, qui est parfois même neuf, alors que des industries voisines vont devoir commander au bout du monde ces produits détruits. On s’est dit qu’il y avait du bon sens à remettre dans l’industrie. » Après tout, pourquoi ce qui fonctionne pour les vêtements, les jouets ou l’électro-ménager ne marcherait pas pour le matériel industriel ?
Un soutien de la part des acteurs locaux
Arnaud et Guillaume sont accompagnés dans leurs démarches par les acteurs du territoire rennais. Soutien financier, mises en relation facilitent la naissance et les premiers pas de Bluemarket, créée en février 2022. « On n’aurait pas pu faire sans le Poool, la CCI 35, Bretagne Compétitivité, le réseau Entreprendre Bretagne, Initiative Rennes,», dit Arnaud. « À Rennes, il y a un dynamisme et une entraide que je pense spécifiques au territoire. Pour les jeunes entrepreneurs que nous sommes, c’est motivant et stimulant. » Par l’intermédiaire de la French Tech, « nous avons pu facilement aborder trois entreprises locales intéressées par notre démarche. Le technicentre de la SNCF, Jeantil (matériel agricole, L’Hermitage) et BA Healthcare (robotique médicale, Pacé) ont accepté de tester notre plateforme. Les retours de ces entreprises aux activités, à la taille, aux spécificités différentes ont permis d’affiner notre solution pour répondre aux besoins du plus grand nombre. »
« Bien plus qu’un site de vente en ligne », un accompagnement personnalisé
Bluemarket, c’est quoi ? Un « Leboncoin de l’industrie », comme on a pu le voir écrit ici ou là ? « C’est en effet un outil en ligne qui met gratuitement en relation vendeurs et acheteurs », répond Arnaud. « Tout le monde comprend de quoi on parle quand on fait le parallèle avec Leboncoin ou ebay. Mais Bluemarket, c’est bien plus qu’un site de vente en ligne. » Au-delà d’un catalogue très large des ressources mises en vente – de la machine-outil aux équipements électroniques, de la visserie aux transpalettes- avec leurs caractéristiques, leur prix, la distance séparant vendeur et acheteur, Bluemarket propose des services complémentaires, sur-mesure : une plateforme de réemploi adaptée au métier, aux besoins et à la charte graphique de l’entreprise, un accompagnement aux premiers pas dans le réemploi, un outil de négociation intégré ou encore l’accès à des indicateurs personnalisés d’impact environnemental (CO2 évité) et financier liés la vente des stocks dormants…
Réemploi industriel : que du bénef !
Le réemploi, tout le monde y gagne. Côté vendeur, « l’entreprise récupère de l’argent en valorisant ses stocks dormants au lieu de payer pour les faire enlever, » dit Arnaud. « Elle garde la maîtrise de ses stocks et améliore son empreinte environnementale en diminuant ses déchets et ses émissions de CO2. » Côté acheteur, « la structure achète à prix réduit du matériel de qualité qu’elle n’aurait peut-être pas pu s’offrir, rapidement disponible. Pour compléter le catalogue, nous avons maintenant des partenariats avec des acteurs français qui reconditionnent des pièces industrielles. C’est une vraie plus-value, car les acheteurs recherchent avant tout la disponibilités de références et la meilleure qualité. En achetant local ils diminuent, eux aussi, leur empreinte environnementale. »
Et le territoire dans tout ça ? « Il bénéficie également du réemploi industriel puisque la plupart des transactions s’effectuent dans un rayon de quelques dizaines de km. Des interactions se créent entre les grands groupes, souvent vendeurs, et les PME ou associations acheteuses. En optimisant leurs coûts d’achat et leurs délais d’approvisionnement, les PME gagnent en performance. »
Une démarche simple et rapide
Opter pour le réemploi industriel ? C’est évident ! Enfin, pas pour tout le monde… « Changer les mentalités, les façons de faire, ce n’est pas si facile », constate le co-fondateur de Bluemarket. « Encore maintenant, quand un entrepreneur a trop de stocks, il n’a qu’un coup de fil à passer et à remplir des bennes pour qu’on vienne vider son entrepôt. » Bien sûr, ça coûte cher, ça pique un peu de jeter du matériel en état de marche, mais c’est simple et rapide et surtout, « on a toujours fait comme ça ». « Il y a un vrai travail d’acculturation à faire », estime Arnaud. « Il faut rendre la démarche simple comme un coup de fil si on veut que les dirigeants y adhèrent. Nous comptons heureusement beaucoup d’industries moteur parmi nos utilisateurs, elles sont nos meilleures ambassadrices. »
Bluemarket accélère
Forte de 300 utilisateurs bretons et ligériens, la startup a conclu fin 2023 une levée de fonds auprès d’entrepreneurs bretons. « Elle va permettre de nous déployer au niveau national et d’atteindre 1000 utilisateurs actifs d’ici la fin de cette année », annonce Arnaud Moulin. « Nous continuons à nourrir notre catalogue et à développer des offres comme BluemarketConnect, un service de réemploi multisite plus adapté aux besoins des grands groupes et réseaux d’entreprise. Notre ambition ? Devenir LA référence en réemploi industriel en France. » L’entreprise rennaise compte aujourd’hui 7 collaborateurs. Des embauches sont prévues dans les mois à venir, que les co-fondateurs envisagent sereinement : « nous avons la chance de ne pas connaître de problèmes de recrutement. Notre activité attire les candidats : le réemploi est un sujet d’actualité qui a du sens. Nous recevons énormément de candidatures spontanées. »
- Plus d’infos : Bluemarket
- (Propos recueillis par Béatrice Ercksen)