Lorsque Nicolas Früh a quitté le centre-ville rennais pour s’installer avec sa famille à la campagne, au nord de Rennes, il n’avait pas imaginé qu’il dirait au revoir à son réseau de commerçants, à ses habitudes de courses alimentaires, ou à ses achats de produits locaux : « il a fallu que j’en parte pour me rendre compte qu’à Rennes, tout est à portée de main. Il y a toujours un marché où l’on retrouve les producteurs du coin. Quand on vit en zone périurbaine ou rurale, ces achats d’hyper proximité deviennent plus compliqués. « Un comble, alors que les producteurs sont tout près !«Il y a des marchés bien sûr, mais plus petits, moins nombreux et pas forcément adaptés aux horaires de travail. On peut opter pour la vente directe, mais cela implique de prendre sa voiture et de multiplier les déplacements pour faire son plein de courses. »
Le recours au supermarché devient alors une solution de facilité. « Prendre conscience de la problématique a créé un déclic » explique Nicolas. « Un service de livraison à domicile, du producteur au consommateur, pouvait être une alternative. » Ça tombe bien : nous sommes en 2019, Nicolas s’interroge sur son avenir – il est en reconversion – et dispose d’un savoir-faire dans la logistique (il y a travaillé pour le compte d’une ONG) et le numérique. Il a surtout une conviction : « il est essentiel de produire au plus près du consommateur pour qu’il sache ce qu’il mange ; et pour limiter les émissions de gaz à effet de serre ».
Le choix de l’hyper proximité
Nicolas imagine alors « une tournée sur des petits territoires réalisable dans la journée. Et un projet simple d’un point de vue logistique, avec un seul entrepôt au coeur du périmètre pour y déposer les produits récupérés chez les producteurs et les conditionner avant de les distribuer. » Porté par 4 associés-fondateurs, dont Nicolas, 21km voit le jour en avril 2020. Le client s’approvisionne en produits ultra frais, locaux, fermiers et biologiques sans bouger de chez lui, en composant son panier en ligne avant le lundi minuit. L’exploitant écoule une partie de sa production sans supporter les inconvénients de la vente directe, très chronophage, ou les coûts logistiques du circuit court : « il n’a même pas besoin de conditionner ses produits que nous venons chercher à la ferme chaque mercredi et jeudi matin. Nous lui permettons de consacrer davantage de temps à son coeur de métier et de réduire ses coûts » explique Nicolas. La distribution aux clients a lieu le mercredi et le jeudi en fin de journée.
Un 21 symbolique
Pourquoi 21km ? « Une vingtaine de km est un rayon d’action cohérent qu’on dessert facilement. On a choisi 21km parce que c’est un semi-marathon, une distance à l’échelle humaine, faisable en courant. 21, c’est aussi un clin d’oeil à la Cop 21. Et puis ça questionne, non ? » sourit l’entrepreneur. Avec lui, une cinquantaine de producteurs et transformateurs – dont les matières premières doivent également être issues du territoire – approvisionnent chaque semaine entre 100 et 120 foyers, parmi les 1200 comptes clients ouverts sur le site de 21km. La collecte, la préparation des commandes et les livraisons sont réalisées par Nicolas et une équipe de 3 salariés, « dans des boucles mutualisées pour optimiser chaque kilomètre et réduire les émissions de carbone. »
Les véhicules s’arrêtent aux portes de Rennes pour confier la livraison intra-muros à la société Toutenvelo. Présente dans le nord du bassin rennais, la société cherche à se développer au sud, où elle est sollicitée par des producteurs et des habitants. « Nous allons essayer d’y créer des boucles logistiques », annonce Nicolas. « Nous nous intéressons aussi à Fougères, Vitré et Nantes pour y dupliquer notre concept d’hyper proximité. » Même si le modèle économique n’est pas évident : « nous tenons à rémunérer les producteurs au juste prix : nous réalisons donc de toutes petites marges pour que les produits livrés ne coûtent pas plus cher qu’en supermarché bio.»
Le bassin rennais, une terre fertile
Si le projet a été bien accueilli par les producteurs, il l’a aussi été par les acteurs du territoire : « nous avons été très bien accompagnés par la Communauté de communes Val d’Ille-Aubigné et par le réseau des Cigales* », se réjouit le fondateur. Lauréate du concours Crisalide éco-activités en 2020, l’entreprise bénéficie d’une oreille attentive et de conseils éclairés des personnes ressources rencontrées lors de sa création, « des gens de réseau qui ont une connaissance et une vision du territoire. Il y a dans le bassin rennais une énergie porteuse, comme au sein du réseau Entreprendre avec lequel nous sommes en contacts réguliers. » L’énergie porteuse vient aussi des consommateurs, « en recherche de transparence sur les produits qu’ils achètent. Nous sommes nés pendant le premier confinement et nous avons vu arriver des gens qui abandonnaient le supermarché pour la livraison. Nous comptons aussi pas mal de personnes âgées parmi nos clients. »
Le « consommé local » à Rennes, engouement passager ou véritable lame de fond ? « On sent un vrai désir d’hyper proximité, de savoir ce qu’on mange, même si le soufflé est un peu retombé après le confinement. Plus qu’aux labels, les gens sont sensibles au comment, où et par qui ce qu’ils achètent est produit. » L’équipe de 21km l’a bien compris : Émeline, chargée de la communication, rencontre et raconte les producteurs sur les réseaux sociaux, explique les produits, la saisonnalité, la pénurie, « pour permettre à nos clients de comprendre que la production est soumise à des aléas, contrairement à l’industriel, et pour mieux consommer. »
*Club d’Investisseurs pour une Gestion Alternative et Locale de l’Épargne Solidaire
- Infos : www.21km.fr & page facebook
