L’intestin notre 2ème cerveau ? « C’est exactement ça ! » Et ce n’est pas l’auteur du best seller, Francisca Joly Gomez qui le dit, mais Ronan Thibault, Responsable de l’Unité Nutrition au CHU de Rennes. Son ambition ? « Développer des projets » sur « la qualité de la nourriture et les pratiques de consommation » afin de « prévenir le diabète, l’obésité, le cancer ». Il s’intéresse pour cela à la relation entre le fonctionnement du cerveau et les habitudes alimentaires. L’objectif de ses recherches actuelles, est plus particulièrement de savoir s’il existe des « addictions alimentaires, comme on est addicte à la drogue, au tabac… ». Un sujet de recherche qui est une suite logique de son parcours entamé en 2003/2004, avec une thèse portée sur les substrats énergétiques de l’intestin.
Une approche transversale pas habituelle dans la médecine française
Tout débute en effet il y a 16 ans à Nantes pour Ronan Thibault. Au cours de son internat, il est « attiré par la recherche », qu’il découvre via un stage à l’Inra sur le sujet de la nutrition. Un volet qui l’intéresse plus particulièrement car « transversal », à l’inverse de la médecine française qui a tendance à segmenter. Il s’axe plus particulièrement sur « le tube digestif et la nutrition ». Un choix qui s’explique par « des rencontres humaines », le jeune médecin ayant été « bien entouré, bien encadré ». Il avait en plus « déjà été confronté aux maladies nutritionnelles pendant [son] internat ». Dans ce secteur, c’est aussi un champ qui s’est ouvert grâce à des outils comme le « by pass » gastrique. L’enjeu « c’est l’axe intestin / cerveau » où comment le changement de comportement intestinal peut modifier le comportement alimentaire.
Un retour en Bretagne par amour de la région
A partir de 2008, il effectue des aller-retours entre Nantes et Genève, sans poste fixe. Ronan Thibault en profite néanmoins pour « mettre en connexion » des personnes de plusieurs hôpitaux. En Suisse, son travail ne se déroule plus en recherche clinique mais en réanimation. Le but est « d’optimiser la nutrition du patient » tout en diminuant le risque d’infection, liés notamment à l’intubation. La méthode qu’il développe permet de « couvrir les besoins complets du patient ». Ce qui lui offre l’opportunité d’être publié dans « une grande revue scientifique ». Il a alors vent d’une ouverture de poste à Rennes, qui était une de ses cibles « par amour de la Bretagne ». C’est aussi « une opportunité » où il sent « un potentiel de recherche » notamment grâce aux connexions avec l’Inra.
Une IRM pour définir les liens entre cerveau et choix alimentaires
A l’époque, en 2015, c’est la fac de médecine de Rennes qui cherche à recruter en nutrition. Les avantages du poste ? « Le lien avec l’industrie-agroalimentaire », dont le tissu est « très fort à Rennes », mais aussi « le volet technologique ». Il est désormais affilié au Numécan, qui regroupe des équipe de l’Inserm, de l’Inra, du CNRS… Le responsable de l’Unité Nutrition du CHU y étudie « le comportement alimentaire » en essayant de comprendre « ce qu’il se passe lors d’un choix alimentaire au niveau de l’état psychique, du stress ». Toujours ce lien entre cerveau et intestin. Il s’appuie pour cela sur une IRM fonctionnelle cérébrale, qui permet de voir « les zones du cerveau qui s’activent » en fonction « des choix alimentaires ». Cela permet de déterminer la présence ou non d’addictions alimentaires par type de patient.
Rééduquer le cerveau pour changer d’alimentation
Derrière ce travail, le chercheur veut démonter une idée reçue : « on dit trop qu’une personne obèse, si elle a pris du poids, c’est de sa faute. Alors qu’il y a des ressorts psychiques ». Car même si les patients savent ce qu’il faut manger, ils peuvent souffrir « de pulsions incontrôlables ». Ronan Thibault veut donc « identifier les facteurs prédictifs » afin de mettre en place « une thérapie adaptée ». Il s’agit notamment de « rééduquer le cerveau » du patient pour « mieux contrôler ses pulsions ». Un travail de recherche qui n’est « qu’au début de l’histoire ». Il montre en tout cas que Rennes dispose d’un « haut niveau de recherche » d’après le médecin, avec « un potentiel de développement qui va grandir dans les années à venir ». De quoi proposer d’après lui « un beau challenge pour les jeunes chercheurs ».