Quelles sont les missions du service de chirurgie thoracique, cardiaque et vasculaire que vous dirigez au CHU de Pontchaillou ?
C’est un service universitaire où l’on pratique à la fois de la chirurgie de haut niveau, de l’enseignement et la formation des chirurgiens. J’ai la chance d’être chef de ce service depuis 2015 et d’être également le président de la Société Francophone et Européenne de Chirurgie thoracique et cardiovasculaire, ce qui me permet d’avoir une vue globale de la profession et de son évolution sur le territoire national, à l’échelle francophone, et de pouvoir représenter Rennes au plus haut niveau. Nous venons en effet d’être nommé à la première place, pour la septième fois consécutive, dans le classement du Point.
Justement, être à la première place du palmarès des hôpitaux français pour la chirurgie cardiaque, qu’est-ce que cela représente ?
Même si les classements sont toujours à prendre avec du recul, le palmarès du Point est une référence nationale et note les hôpitaux sur des valeurs comme la durée de séjour, la mortalité, le nombre d’intervention, la qualité des soins… Pour les patients c’est un élément très important et rassurant. Le fait d’être à la tête du classement pour la chirurgie cardiaque depuis 7 ans nous donne donc un certain crédit.
Un service de chirurgie cardiaque est à la fois polyvalent et hyper-spécialisé ?
En effet, nous avons une polyvalence cardio-vasculaire et thoracique et des hyper-spécialités sur le cœur, le cœur artificiel, la greffe et la cancérologie pulmonaire. Nous sommes également très réputés sur l’aorte, cette grosse artère qui sort du cœur pour aller au cerveau. Le remplacement de cette artère est délicat, il s’agit à la fois de chirurgie à protection cérébrale et cardiaque.
Le métier de chirurgien évolue, quels ont été les tournants dans la profession ?
On dit que les chirurgiens deviennent de moins en moins invasifs et les médecins de plus en plus interventionnels. Pour expliquer la différence je dis souvent aux patients : le cardiologue a un stéthoscope autour du cou et donne des médicaments pour vous soigner, le chirurgien a lui aussi un stéthoscope, mais va prendre un bistouri pour vous soigner. Mais je pense que la plus grande évolution dans le domaine de la santé reste la prévention. Depuis l’après-guerre, la technologie chirurgicale a énormément changé. Avant, on intervenait sur des maladies déjà bien évoluées avec des systèmes assez simples comme la radiographie, ou des éléments d’imagerie. Mais on ne savait pas vraiment ce qui se passait, on découvrait quand on le voyait. Dans les années 1980, un cap a été franchi et nous avons bénéficié d’une technologie plus importante. Dans les années 2000, nous avons pu récolter les fruits de la prévention : la vaccination, les antibiotiques, la non-sédentarité et le fait de faire attention à nos régimes alimentaires… Tous ces éléments combinés ont permis d’amener près de 80% de la population à 80 ans.
Comme dit le proverbe : « Mieux vaut prévenir que guérir » ?
Oui, la formule est toujours d’actualité, au même titre qu’ « on a l’âge de ses artères ». Moins vous bougez, plus vous vieillissez. Le corps a besoin d’oxygène. Le sang et les globules rouges véhiculent l’oxygène par les artères : si elles se bouchent, le sang n’arrive pas et les gens vieillissent…
Le vieillissement est la deuxième étape médicale. Si la prévention peut vous amener en relative bonne santé à la période de vieillissement, la technologie aide lorsque la maladie arrive. La maladie est une usure : on remplace une hanche cassée, le cristallin qui se voile, une valve calcifiée dans le cœur… C’est là que les techniques de chirurgie interviennent. La chirurgie reste toutefois un archaïsme sophistiqué agressif. Il y a toujours un risque lié à l’intervention elle-même, surtout quand le patient a plus de 80 ans. C’est pourquoi la technologie d’aujourd’hui consiste à essayer d’être le moins invasif possible. La profession de chirurgien évolue dans ce sens avec de nouvelles générations de chirurgiens qui savent ouvrir mais qui savent aussi travailler sans ouvrir. L’expression « grands chirurgiens, grandes cicatrices » n’a plus lieu d’être.
La chirurgie assistée par ordinateur est la réalité de notre métier aujourd’hui. Les imageries et les scanners nous permettent de tout reconstituer sur écran pendant l’opération. La technologie est donc au cœur de notre métier.
Au mois de juin, vous avez organisé au Couvent des Jacobins les Journées Francophones et Européennes de Formation CTCV, une vitrine pour le savoir-faire dans ces domaines…
Accueillir des congrès européens et internationaux nous permet en effet de partager des expériences. Par l’excellence de ses médecins, Rennes a la légitimité pour accueillir d’autres praticiens. C’est essentiel dans nos professions d’avoir ces zones de partage et d’échanges à l’occasion de congrès. Pouvoir le faire à Rennes est très important pour nous. Le centre des congrès de Rennes Métropole nous a permis de pouvoir retransmettre des interventions en direct du CHU, de manière sécurisée. C’était une très belle expérience dans un des joyaux de la ville de Rennes.
Avoir un palais des congrès et un hôpital en centre-ville est un atout majeur. Cela permet d’être pertinent sur le volet scientifique et d’apporter une convivialité instantanée. Après avoir passé 6 heures dans un congrès, pouvoir sortir directement dans la ville à pied, c’est génial.
Qui sont les professionnels qui participent au congrès annuel ?
Nous accueillons 1200 participants, qui représentent 4 professions : les chirurgiens (cœur poumon et vaisseaux), les anesthésistes-réanimateurs, les IBODE (Infirmières de bloc opératoires) et les spécialistes de la circulation extra-corporelle, c’est-à-dire du cœur artificiel. Une qualité de ce congrès est de regrouper tous les acteurs de la spécialité et d’offrir une vitrine de la discipline. Nous avons pu recréer deux salles d’opération au centre des congrès avec des simulateurs. La simulation est un élément fort de notre discipline. On dit toujours : « jamais pour la première fois sur le patient ». Les temps de congrès sont donc aussi des temps de formation avec des moments dédiés pour faire des essais sur simulateurs.
La Bretagne est une terre d’expérimentation dans le domaine de la santé…
Oui, notamment l’axe Brest-Rennes qui est important en termes de recherches. Nous avons au sein de notre service un centre d’investigation technologique (CIT) à Pontchaillou qui nous permet, avec l’Université de Rennes 1 et l’unité Inserm 1099 (LTSI Rennes 1 Beaulieu), d’avoir une assistance chirurgicale par ordinateur de très haut niveau. Nous avons créé une start-up, Therenva, spécialisée dans la chirurgie assistée par ordinateur. Elle permet de constituer une base de données importante d’imagerie et de travailler avec des ingénieurs en instantané dans le CIT, ou directement en salle d’opération pour les évaluations. Etre arrivé à l’excellence médicale et avoir réussi à tirer la quintessence de la recherche pour créer une start-up est un vrai plus.
Pendant le congrès, une exposition photographique a permis au grand public d’en savoir plus sur la discipline, c’est important de faire preuve de transparence et de vulgariser votre spécialité ?
La médecine doit être de plus en plus accessible au patient, on ne doit plus mystifier la spécialité. Au contraire, le patient doit être son propre acteur de santé, dans la prévention, mais aussi dans l’information et le parcours de soins intra-hospitalier. Le patient doit avoir les moyens de s’approprier son problème et être acteur de sa guérison. Les moments de partage pendant les congrès sont donc importants, autour de temps de discussion, comme à travers l’exposition photo de mains de chirurgiens et de salle d’opération installée dans le cloître. La soirée de charité avec un concert d’Arthur H a aussi été un moment de convivialité et d’ouverture au grand public avec 500 places offertes aux habitants de la métropole rennaise.